Le bourg 81130 Villeneuve sur Vère 05 63 56 82 00
Histoire de la commune

Villeneuve sur Vère, à travers le temps...

De la préhistoire à la protohistoire

L'histoire géologique du plateau du haut albigeois s'étendant entre ALBI et CORDES induit l'histoire économique et politique de la commune actuelle de VILLENEUVE SUR VERE et de son village principal.

Le plateau calcaire, connu chez certains auteurs sous le nom de "plateau cordais", s'étend de la rive droite du Tarn à la vallée du Cérou. Les cours d'eau et leurs affluents ont creusé le fond asséché du "golfe aquitain primitif" de vallées très marquées, orientées de l'Est à l'Ouest. La Vère en est le cours d'eau central.

Ainsi sont apparus à la fin du tertiaire des sites escarpés propices à l'installation des hommes :

  • soit dans des cavités karstiques visibles encore aujourd'hui sur les flancs des vallons à une vingtaine de mètres sous la surface du plateau
  • soit sur l'éperon rocheux  au confluent du plateau: le village actuel de Villeneuve sur Vère occupe la pointe escarpée du confluent du ruisseau de Goudou (la Restaulière) et de la Vère.

Dans la commune, ces éperons occupés par les hommes, seront barrés à l'Est par un fossé, une levée de terre avec une palissade et plus tard par une muraille. D'autres "éperons barrés" ont été fouillés attestant des implantations humaines dès l'âge de bronze à Brès, Lieur, la Cavespanié.

Deux grands itinéraires Celtes se croisent sur le plateau villeneuvois au sud de "l'éperon barré" où s'est bâti le village actuel:

  • la voie de la Méditerranée au Quercy
  • la voie de la Garonne au Rhône à travers le Massif Central.

Ces voies perdurent en partie; on peut relever sur les cartes IGN les toponymes attestant l'existence de ces voies balisées par de gros rochers qu'il ne faut pas confondre avec des menhirs: la Peyre pour la pierre ou Lac pour l'occitan Lesc, éclat de matière.

Les Romains

La colonisation romaine aux environs de 50 avant JC est attestée par des restes de poteries et de tuiles (tégulae).

  • Sur le plateau de Lieur et de la Rivière (la Rivière est la francisation cadastrale napoléonniène de "riparia" lieu parsemé de petits cailloux)
  • Sur le plateau de la Cardonnarié et de la Cavespanié où sera créé vraisemblablement assez tard une VILLA.....NOVA
  • Sur le plateau Sud/ Sud Ouest du village actuel (le Jouvenal, le Carlus)

Sur ces plateaux, la forêt primitive a été partiellement défrichée et souvent plantée de vignes. Les noms de lieux perpétuent ces exploitations que les historiens appellent "MANSES". On trouve cette racine dans les noms de lieux actuels comme Mas, Mazet, Mazetou. D'autres toponymes rappellent cette implantation romaine: Lieur francisation de Ligurum (le Ligure romain), Jouvenal de Jovis (Jupiter), Truel francisation du bas-latin Trulium (le pressoir).

Les Grandes Invasions

A la fin de l'Empire Romain, au 5ième siècle, le roi de France ayant autorisé la création du royaume Goth de Toulouse, de nouveaux défrichements ont été nécessaires pour nourrir une population plus nombreuse, conséquence des invasions.

Ainsi, au sud du village actuel, on trouve :

  • GOUDOU : la "villa gothurum", la ferme des Goths
  • FONGOUZOU : la "fons gothurum" la fontaine des Goths

C'est vraisemblablement à cette époque que la famille des ALAMANS, nobles de la dernière grande invasion, s'installa sur l'éperon barré et le transforma en CASTRUM (camp retranché) où les habitants des "villas" dispersées pouvaient se réfugier en cas de menace. Les Alamans, personnages importants du royaume Goth transformé  en Comté de TOULOUSE, règneront sur le plateau du haut albigeois pendant plusieurs siècles.

Le Moyen Age

 Après le démantèlement de l'empire de Charlemagne en 843, les seigneurs locaux, comte de Toulouse et duc d'Aquitaine, prirent une grande indépendance vis à vis du roi de France.

Villeneuve sur Vère, place forte proche de la frontière entre le comté de Toulouse et le Quercy, fut souvent menacée par les raids aquitains voulant agrandir les possessions des Plantagenets, ducs d'Aquitaine et roi d'Angleterre.

Le relâchement des liens de suzeraineté entre le comte de Toulouse et le roi de France amena les "barons du Nord", vassaux français, à saisir le prétexte de l'hérésie cathare pour engager une reconquête du grand Sud, avec le soutien intéressé du Pape.

 Cette "croisade" dite "des Albigeois" ravagea le grand Languedoc depuis le Rhône jusqu'au Pyrénées et au sud du massif Central. Des villes entières furent dtruites et leurs habitants massacrés. Le plateau villeneuvois n'échappa pas à ces destructions: Brescio (actuel Saint Etienne de Brès) et la Villa nova d'origine gallo-romaine furent rasés y compris leurs églises et les habitants décimés. Les habitants survivants se réfugièrent dans le CASTRUM des ALAMANS à la pointe du village actuel.

Au début du 13 ième siècle, les habitants victimes de la croisade de Simon de Montfort obtinrent l'autorisation de bâtir une bastide à l'est du fort des Alamans. Cette bastide dont on ne connait pas la charte est mentionnée dans les archives sous le nom de "bastide du mont Alaman" et quelque fois "bastide d'En Doat". Plus tard la bastide prit le nom de "villa nova la noella" et fut fortifiée par une muraille, une porte et des tours d'angle (la dernière tour fut démolie dans les années 1970 et la porte dite d'Albi fut occupée par l'atelier du forgeron devenue maintenant une habitation).

Les fortifications de la bastide joignant celles du fort primitif laissèrent du Sud-est au Nord-est un large espace réservé aux foires et marchés: c'est la grande place actuelle. Les maisons limitant la place actuelle à l'Est et au Sud-est, situées hors de la bastide, s'appellent encore "lo barri" ( le faubourg). Cette place extérieure était traversée par une branche de l'itinéraire celte de Toulouse à Lyon. Les maisons du "barri" resteront jusqu'au début du 20 ième siècle des lieux d'accueil et d'échanges (hôtels, auberges et commerces). Un autre faubourg fut bâti dans le flanc du vallon au sud du CASTRUM initial "lo barri de la fons" ( le faubourg de la fontaine). Il faut noter qu'à la fin du 19 ième siècle ce faubourg fut détruit au moment de la construction de la route RD3 (venant de Cestayrols, Gaillac) édifiée en déblais et rembblais pour contourner par l'ouest le fort initial.

Au cours du 14 ième siècle, pendant la période troublée de la "guerre de cent ans" qui exacerba le conflit entre le comté de Toulouse et le duché d'Aquitaine, Villeneuve subit de nombreuses agressions et pillages visant à affaiblir la puissance du roi de France et de ses vassaux. Alors le territoire du plateau fut ravagé par des raids du PRINCE NOIR, prince de Galles et par les bandes de routiers, mercenaires licenciés et livrés à eux-mêmes.

C'est à cette époque que les ALAMANS, seigneurs de Villeneuve et de Milhavet et très engagés avec le comte de Toulouse, vendent leur fief à PIERRE-RAIMOND de Rabastens. Plus tard le sénéchal de Toulouse, représentant du roi de France, reprit Villeneuve avec l'aide des gens de Cordes, bastide comtale: le fort fut alors démantelé et la plupart des habitants massacrés.

La fin du Moyen Age et la Renaissance

 A la fin de la guerre de cent ans (1453) Villeneuve avait subi l'occupation du COMTE D'ARMAGNAC allié des Anglais. Les Cordais, aidés des Réalmontais et des Albigeois reprirent Villeneuve en 1427.

Le comte d'Armagnac vaincu et tué à Lectoure, le roi de France confisqua ses biens dont Villeneuve. Il reste de ce conflit entre "Armagnacs" et "Bourguignons" (partisans du roi de France) un toponyme "lo camp battut", plateau au sud du village où aurait eu lieu labataille terminant le siège du village par les Cordais.

Le calme revenant peu à peu, en 1479, Louis d'Amboise, évêque d'Albi, devient seigneur de Villeneuve et de MIlhavet. Sous l'impulsion et avec l'aide financière de cet évêque, les églises paroissiales de Notre-Dame de la Gardelle et de Saint Etienne de Brès, démolies pendant la période troublée précédente, sont reconstruites en style gothique. Elles ne changeront plus jusqu'à nos jours.

Malgré la présence de bandes de pillards, le village voit son organisation évoluer. C'est à cette époque que fut aménagée hors de la bastide la résidence de l'Intendant de l'évêque d'Albi, seigneur local. Cette maison à la façade renaissance existe toujours avec ses plafonds "à la française", son escalier monumental et sa cheminée en anse de panier.

Mais c'est le début, en Europe, des guerres de religion à partir de 1559: Villeneuve n'échappera pas à ce conflit. Bien que possession de l'évêque d'Albi, le village sera plusieurs fois occupé par les huguenots, jusqu'à la conversion d'Henri IV, roi de Navarre, en 1593. D'ailleurs Henri IV avait été l'hôte de Villeneuve en 1585, voulant négocier en ce lieu son accession au trône de France avec le Duc de Montmorency, gouverneur du Languedoc, l'abbé d'Elbène futur évêque d'Albi et le vicomte de Turenne, chef des armées du roi de France (ce vicomte de Turenne est le père du grand Turenne).

Après l'assassinat d'Henri IV, roi de France et de Navarre, les escarmouches entre catholiques et protestants reprennent: Villeneuve et Cordes sont à nouveau dévastées en 1615 par Montmorency gouverneur du Languedoc. Les difficultés de l'existence des habitants du plateau (habitations en ruine, points d'eau pollués, mauvaises récoltes) vont entrainer une forte épidémie de peste déjà endémique depuis des décennies. La peste sévira sur Villeneuve de 1604 à 1632. En 1631 les habitants de Villeneuve implorent Notre-Dame de La Gardelle, "salut des infirmes" de les protéger de la peste. Pour remercier la Vierge Marie, ils font le voeu de venir chaque année en procession le lundi de Pentecôte à l'église de La Gardelle. Cette procession s'effectue encore de nos jours.

A la suite des destructions subies pendant les guerres de religion, les Consuls villeneuvois décident de restaurer les églises et les fortifications. C'est à cette époque que fut envisagé d'inclure "le barri" dans les fortifications de la bastide initiale. Les vestiges de deux tours existent toujours à l'intérieur des maisons situées à l'Est de la grande place.

L'église Saint Sauveur, située au Nord du castrum primitf, bénificiera aussi de cette reconstruction, l'église romane initiale ayant été partillement détruite: à partir des restes romans, notamment le mur Nord de l'édifice, on édifiera l'église actuelle avec un clocher latéral de style gothique. Le seigneur local, évêque d'Albi, finança les travaux.

La Monarchie Absolue

 A l'avènement de Louis XIII et de son premier ministre le Cardinal de Richelieu, le village va être profondément remanié : Richelieu ordonne la destruction des signes d'indépendance et des moyens de défense des seigneurs vassaux du roi de France.

Monseigneur DAILLON du LUDE, évêque d'Albi et seigneur de Villeneuve, doit détruire son château de Combefa et le fort de villeneuve.

 Les matériaux de démolition sont transportés à Albi pour ériger "le palais du petit Lude" actuel hôpital psychiatrique du Bon Sauveur. Par contre les matériaux des fortifications de la bastide sont  utilisés par les habitants pour agrandir leur maison d'une pièce au delà des murailles. Ainsi on retrouve à l'intérieur des maisons situées sur le pourtour Ouest et Nord de la place d'anciennes fenêtres transformées en portes pour communiquer avec les nouvelles pièces. On peut aussi voir sur ces maisons agrandies des ouvertures "plein cintre" murées, vestiges d'anciennes échoppes (ces ouvertures seront bouchées au cours du 19 ième siècle).

De la Révolution
à nos jours

 Au cours de la révolution, en 1793, la loi supprime tous les droits féodaux.

Les biens des nobles et du clergé sont vendus comme "biens nationaux", notamment l'église de Notre-Dame de La Gardelle qui sera transformée en grange et la maison seigneuriale à l'intérieur du CASTRUM. Cette maison servira de carrière de pierre pour les aménagements à la moitié du 19 ième siècle: c'est avec ces matériaux de démolition que seront construits  plusieurs bâtiments. Tout d'abord celui qui abrite l'école des garçons et la mairie de l'époque sera construit en 1837, puis l'école des filles et le terre-plein actuel qui sert de cour de récréation face à l'église Saint-Sauveur aprés la guerre de 1870.

Le développement du réseau routier départemental à la fin du 19 ième siècle défigurera complètement le village primitif. La construction de la route entrant dans le village à l'Ouest (route de Cestayrols, Gaillac) provoqua la destruction des soubassements Ouest du fort initial et le transfert du cimetière Saint Sauveur vers le cimetière de La Gardelle sur la rive droite de la Vère.

Le 19 ième siècle fut pour Villeneuve une période faste: par les grandes foires et les marché hebdomadaires, les nombreux commerçants et artisans augmentèrent leurs revenus et "aménagèrent" leurs demeures, notamment les façades: on peut découvrir autour de la place des linteaux néo-classiques portant des dates du 19 ième siècle.

Le Vingtième siècle

  L'activité de centre commercial du plateau haut albigeois continua avec moins d'artisans et de commerçants autour de la place. C'est l'époque de la carte postale : de nombreux clichés montrent l'existence de ces activités de service.

L'enrichissement de certains habitants provoqua aussi des dons importants pour l'embellissement de l'église Saint-Sauveur et un clocher plus haut fut reconstruit.

Par contre une partie de petits propriétaires paysans partit vers les centres industriels mais garda les exploitations. Des villeneuvois embauchèrent aux mines de Carmaux ou d'Albi (Cagnac) ou aux acièries du Saut du Tarn. D'autres habitants partirent travailler dans les chemins de fer, les postes ou l'enseignement.

A partir des années 1950, l'activité de service périclite. Beaucoup d'artisans fermèrent leurs ateliers, la Poste perdit de son activité. L'école, seule, garda ses deux classes. Le village ne garda que deux boulangeries, deux épiciers et un forgeron.

Aujourd'hui, seul un "multi-service" assure la vente de pain, de produits du terroir et certains services postaux.

L'existence du village fut au cours des siècles très mouvementée. Ces péripéties ont attiré de nombreux auteurs. Pour en savoir plus sur Villeneuve on peut consulter :

  • Jean-Paul DEBUICHE et Marylène GALIBERT : Villeneuve sur Vère dans les textes des XVème et XVIème siècles
  • Marcel  BECAMEL: Aux origines d'une bastide albigeoise,  Villeneuve sur Vère
  • Serge  BISMUTH : Villeneuve sur Vère, une bastide construite sur les "calcaires de Cordes"
  • Jean ROQUES: Connaissance du Tarn
  • DON VAYSSETTE : Histoire du Languedoc - tome 5
  • Laurent MACE : Les comtes de Toulouse et leur entourage.